samedi 13 février 2010

Cacapoum, Cacapoum

Live Kicks #2 : Jacques Dutronc, Halle Tony Garnier

Le coeur bien au chaud, la panse remplie de bière, on peut s'installer au coeur d'une foule de notaires (retraités ou pas loin de l'être), et laisser des gradins sans coussins nous malmener les fessiers.

L'heureux héros de la soirée apparaît enfoncé dans un fauteuil, avec son allure, sa classe et ses Ray-Ban, mais sans son cigare. Dès lors tout s'enchaîne : d'immenses chansons portées par une voix qui impose son élégance, des blagues débiles, des jeux de mots foireux et assez de bouffonneries pour contenter l'audience (danseur de claquettes, naine meneuse de revue et plaisantine en chef...). Tout ça est franchement agréable et met d'humeur joyeuse, mais il y a quand même un léger souci.

Parce que de l'aveu du playboy qui chante, "le groupe s'appelle les bûcherons". C'est donc fait exprès. Bon, on ne devrait jamais discuter les choix des artistes, mais là, non. Non. Non, on ne bûcheronne pas une Jazz Bass de la sorte. Non, on n'envoie pas un solo en oubliant les nuances. Et puis non, merde non, on ne coule pas le son de sa guitare dans une chiée d'effets tout juste bonne à cacher la misère d'un groupe de métal au rabais. Par chance, le fils Thomas Dutronc fait une apparition salvatrice pour faire un peu respirer "Les Cactus".

Cela dit, malgré la qualité musicale toute relative de son concert, notre illustre coquin profite du syndrome de la-tournée-qui-pourrait-être-la-dernière : l'indulgence est de mise, et on pardonne n'importe quelle faute de goût aux artistes légendaires, en vertu des services rendus à la musique, et le cas échéant à la nation et à une certaine idée de la classe. Et on s'incline face à une carrière plus que face à un concert.


jeudi 11 février 2010

A Body without a Heart, missing every Part

This is the News #4 : "Heligoland", Massive Attack

Mouahaha ! La bonne blague ! Un nouvel album de Massive Attack! Comme si on en avait encore quelque chose à foutre... Pourtant, ils sont de retour, et pour ne surtout pas changer, ils font la gueule.

Après quelques années à se frotter le zizi en studio, voici venu "Heligoland". Un disque d'ambiance. Ambiance froide et comateuse mais ambiance quand même : au mieux, ces titres trouveront une place pour accompagner n'importe quelle série télé, au pire, on pourra toujours les proposer à un neurasthénique sous anesthésie. Pas grand chose à en dire, donc, pas même une chanson à sauver, comme ce pouvait être le cas sur "Blue Lines" ou "Mezzannine".

Mais le plus triste dans tout ça, c'est qu'on en trouvera certainement beaucoup pour apprécier ce truc sans vie. Un bel indicateur sur le moral des ménages. Espérons que ça ne donne pas d'idées à Moby.


samedi 6 février 2010

"Peut être que je deviendrai un grand peintre"

Salles Obscures #4 : "Gainsbourg, Vie Héroïque", Joann Sfar


De tous les enfants de la patrie, un seul a pris les armes nécessaires pour devenir la figure emblématique de la pop culture à la française. De ses débuts jusqu'à sa fin, pour le meilleur comme pour le pire, Gainsbourg a su être à l'écoute de son époque, et a mis un point d'honneur à en pervertir les codes et les discours. Et entre deux Gitanes, il s'est construit une glorieuse mythologie qui va bien au-delà de sa musique. Une "vie héroïque", donc, devenue matière du premier long-métrage conté par Joann Sfar.

Alors certains ont décidé qu'avec un tel sujet, le film pétait forcément plus haut que son cul. On les voit d'ici lever l'étendard sanglant d'une critique nourrie à l'élitisme le plus puant, et déverser une prose trop amère pour ne pas être frustrée.

Il me fallait donc juger sur pièce. Je suis venu, j'ai vu, et j'ai adoré. Que ce soit clair : je me contrefous des performances d'acteur, aussi impressionnantes soient-elles, et je conchie les hommages mous qui restent figés dans une déférence châtrée.

Mais le film dont il est question n'est pas révérencieux, et ne propose jamais une vision trop convenue de sa sulfureuse idole. Au contraire, il développe une espèce de réalité fantasmée, dont le rythme et l'esthétique s'imposent comme la ligne de basse d'une année érotique, pour parvenir à transcender le personnage par son double émacié, cette gueule qui refuse de la fermer, et par les femmes qui ont jalonné son parcours.

Et c'est ce qui devrait être l'essence de tout "biopic" (je déteste ce mot) : prendre la base d'un personnage et aller au-delà, trouver une ligne directrice pour exprimer une vision propre, qu'elle soit héroïque ou non. Et il fallait bien un immense auteur de BD pour y parvenir.