samedi 6 février 2010

"Peut être que je deviendrai un grand peintre"

Salles Obscures #4 : "Gainsbourg, Vie Héroïque", Joann Sfar


De tous les enfants de la patrie, un seul a pris les armes nécessaires pour devenir la figure emblématique de la pop culture à la française. De ses débuts jusqu'à sa fin, pour le meilleur comme pour le pire, Gainsbourg a su être à l'écoute de son époque, et a mis un point d'honneur à en pervertir les codes et les discours. Et entre deux Gitanes, il s'est construit une glorieuse mythologie qui va bien au-delà de sa musique. Une "vie héroïque", donc, devenue matière du premier long-métrage conté par Joann Sfar.

Alors certains ont décidé qu'avec un tel sujet, le film pétait forcément plus haut que son cul. On les voit d'ici lever l'étendard sanglant d'une critique nourrie à l'élitisme le plus puant, et déverser une prose trop amère pour ne pas être frustrée.

Il me fallait donc juger sur pièce. Je suis venu, j'ai vu, et j'ai adoré. Que ce soit clair : je me contrefous des performances d'acteur, aussi impressionnantes soient-elles, et je conchie les hommages mous qui restent figés dans une déférence châtrée.

Mais le film dont il est question n'est pas révérencieux, et ne propose jamais une vision trop convenue de sa sulfureuse idole. Au contraire, il développe une espèce de réalité fantasmée, dont le rythme et l'esthétique s'imposent comme la ligne de basse d'une année érotique, pour parvenir à transcender le personnage par son double émacié, cette gueule qui refuse de la fermer, et par les femmes qui ont jalonné son parcours.

Et c'est ce qui devrait être l'essence de tout "biopic" (je déteste ce mot) : prendre la base d'un personnage et aller au-delà, trouver une ligne directrice pour exprimer une vision propre, qu'elle soit héroïque ou non. Et il fallait bien un immense auteur de BD pour y parvenir.


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