jeudi 6 mai 2010

A Day for a Daydream

This is the News #6 : "Black Sands", Bonobo

Dommage que cette foutue bruine m'empêche d'apprécier totalement cet album. Un peu l'impression de boire un bon vin avec la gorge remplie de glaires bien compactes. Explications.

Point de bouillie de basses chez Bonobo, et encore moins de dégueulis braillard à base de sonorités plus racoleuses que la croupe d'une fille de joie. Non, les disques qui viennent de chez Ninja Tune ne mangent pas de ce pain là et proposent une électro toute en finesse, qui sait donner du sens à ses influences hip-hop.

Et c'est particulièrement flagrant chez Simon Green, aka Bonobo, qui possède en plus un sens de la dramaturgie bien aiguisé. On évolue dans "Black Sands" comme dans un trip de rêveur serein, sans pour autant que ce soit chiant. Parce que chaque titre - à quelques exceptions près - se construit une âme propre, évolue et gagne en consistance à mesure qu'il déroule ses mesures.

Quel rapport avec la bruine, alors ? Bah le rapport, c'est que "Black Sands" est un disque d'ouverture, un disque qui respire et qui ne supporte ni la grisaille, ni la morosité, et encore moins la langueur maussade d'une ville sous la pluie. Alors on attend les beaux jours pour l'écouter et l'apprécier pendant de longues balades aérées. Sous le soleil, exactement.

http://www.myspace.com/sibonobo
http://www.ninjatune.net

lundi 26 avril 2010

"Dirty and Sweet, oh Yeah..."

This is the news ! #5 : "Small Fry", Mr Day

Pour les nostalgiques des costumes cintrés, pour les défenseurs d'une pop raffinée et pour bien d'autres encore, voici un disque qui fait revivre un peu de Swinging London partout où il passe. Elégant par son allure et ses choix artistiques, Mr Day propose ici une Blue-eyed Soul avec le meilleur esprit qui soit, sans faux-semblants mais avec de l'idée. Et des rouflaquettes.

Mais concrètement, "Small Fry", ça donne quoi ? Ça donne quatorze titres aux ambiances variées, et joués par un groupe qui a su digérer un paquet d'influences. Alors si l'ensemble reste un brin inégal, il faut quand même se lever tôt pour écrire un "Soul on Wax" ou un "Tears of Joy". D'autres titres porteurs pourraient même séduire une portion de la bande FM ("Heaven Knows", "Don't You Stay Outside Tonight"), et, fin du fin, on trouve de grandes chansons réinterprétées avec classe : on a notamment droit à une version orgiaque de "Spooky" et à un "Get It On" à la cool. L'album se termine par une ballade toute en retenue et sobriété ("Both Sides"), qui pourrait convaincre Scott Walker qu'il n'y a pas besoin d'en faire des caisses pour se la donner en crooner ténébreux.

Au final, on tient là un disque de bon goût, dont le côté vivifiant donne envie, encore une fois, de décaper les tympans des alentours en beuglant "I have Soooooul, I have Soul !"

http://www.myspace.com/mrdaylive


samedi 13 février 2010

Cacapoum, Cacapoum

Live Kicks #2 : Jacques Dutronc, Halle Tony Garnier

Le coeur bien au chaud, la panse remplie de bière, on peut s'installer au coeur d'une foule de notaires (retraités ou pas loin de l'être), et laisser des gradins sans coussins nous malmener les fessiers.

L'heureux héros de la soirée apparaît enfoncé dans un fauteuil, avec son allure, sa classe et ses Ray-Ban, mais sans son cigare. Dès lors tout s'enchaîne : d'immenses chansons portées par une voix qui impose son élégance, des blagues débiles, des jeux de mots foireux et assez de bouffonneries pour contenter l'audience (danseur de claquettes, naine meneuse de revue et plaisantine en chef...). Tout ça est franchement agréable et met d'humeur joyeuse, mais il y a quand même un léger souci.

Parce que de l'aveu du playboy qui chante, "le groupe s'appelle les bûcherons". C'est donc fait exprès. Bon, on ne devrait jamais discuter les choix des artistes, mais là, non. Non. Non, on ne bûcheronne pas une Jazz Bass de la sorte. Non, on n'envoie pas un solo en oubliant les nuances. Et puis non, merde non, on ne coule pas le son de sa guitare dans une chiée d'effets tout juste bonne à cacher la misère d'un groupe de métal au rabais. Par chance, le fils Thomas Dutronc fait une apparition salvatrice pour faire un peu respirer "Les Cactus".

Cela dit, malgré la qualité musicale toute relative de son concert, notre illustre coquin profite du syndrome de la-tournée-qui-pourrait-être-la-dernière : l'indulgence est de mise, et on pardonne n'importe quelle faute de goût aux artistes légendaires, en vertu des services rendus à la musique, et le cas échéant à la nation et à une certaine idée de la classe. Et on s'incline face à une carrière plus que face à un concert.


jeudi 11 février 2010

A Body without a Heart, missing every Part

This is the News #4 : "Heligoland", Massive Attack

Mouahaha ! La bonne blague ! Un nouvel album de Massive Attack! Comme si on en avait encore quelque chose à foutre... Pourtant, ils sont de retour, et pour ne surtout pas changer, ils font la gueule.

Après quelques années à se frotter le zizi en studio, voici venu "Heligoland". Un disque d'ambiance. Ambiance froide et comateuse mais ambiance quand même : au mieux, ces titres trouveront une place pour accompagner n'importe quelle série télé, au pire, on pourra toujours les proposer à un neurasthénique sous anesthésie. Pas grand chose à en dire, donc, pas même une chanson à sauver, comme ce pouvait être le cas sur "Blue Lines" ou "Mezzannine".

Mais le plus triste dans tout ça, c'est qu'on en trouvera certainement beaucoup pour apprécier ce truc sans vie. Un bel indicateur sur le moral des ménages. Espérons que ça ne donne pas d'idées à Moby.


samedi 6 février 2010

"Peut être que je deviendrai un grand peintre"

Salles Obscures #4 : "Gainsbourg, Vie Héroïque", Joann Sfar


De tous les enfants de la patrie, un seul a pris les armes nécessaires pour devenir la figure emblématique de la pop culture à la française. De ses débuts jusqu'à sa fin, pour le meilleur comme pour le pire, Gainsbourg a su être à l'écoute de son époque, et a mis un point d'honneur à en pervertir les codes et les discours. Et entre deux Gitanes, il s'est construit une glorieuse mythologie qui va bien au-delà de sa musique. Une "vie héroïque", donc, devenue matière du premier long-métrage conté par Joann Sfar.

Alors certains ont décidé qu'avec un tel sujet, le film pétait forcément plus haut que son cul. On les voit d'ici lever l'étendard sanglant d'une critique nourrie à l'élitisme le plus puant, et déverser une prose trop amère pour ne pas être frustrée.

Il me fallait donc juger sur pièce. Je suis venu, j'ai vu, et j'ai adoré. Que ce soit clair : je me contrefous des performances d'acteur, aussi impressionnantes soient-elles, et je conchie les hommages mous qui restent figés dans une déférence châtrée.

Mais le film dont il est question n'est pas révérencieux, et ne propose jamais une vision trop convenue de sa sulfureuse idole. Au contraire, il développe une espèce de réalité fantasmée, dont le rythme et l'esthétique s'imposent comme la ligne de basse d'une année érotique, pour parvenir à transcender le personnage par son double émacié, cette gueule qui refuse de la fermer, et par les femmes qui ont jalonné son parcours.

Et c'est ce qui devrait être l'essence de tout "biopic" (je déteste ce mot) : prendre la base d'un personnage et aller au-delà, trouver une ligne directrice pour exprimer une vision propre, qu'elle soit héroïque ou non. Et il fallait bien un immense auteur de BD pour y parvenir.


samedi 30 janvier 2010

"You're not too old for a Sing along, are you ?"

This is the News ! #3 : "A Reality Tour", David Bowie

Que peut-on penser de la sortie en 2010 d'un disque correspondant à une tournée de 2003 ? S'agissant de David Bowie, la simple idée d'un disque live semble curieuse, et paraît d'autant plus vaine lorsqu'elle se pare d'une évidente logique commerciale. Et c'est d'une de mes grandes idoles dont je parle.

Passons sur la pochette, sur laquelle ce bon vieux David paraît tout droit sorti d'un Final Fantasy quelconque, gardant la pose avec un flegme aussi proche du défilé de haute couture que d'une certaine vision du ridicule. La vraie question est musicale. Et oui, Bowie est en forme, Bowie délivre une version minimaliste de "Life on Mars", Bowie se fait crooner sur "Bring me the Disco King", Bowie croit parfois ressuciter Ziggy, Bowie balance même "Sister Midnight". Et le public est content, il applaudit et chante quand on lui demande. Allez, "All the young Duuuuuuuudes", et zou, "Carry the NeeeeeewwWWWs".... Enfin, sérieusement, il suffit de se passer l'équivalent studio de chaque titre ici présent pour se convaincre de ne pas renouveler l'écoute de ce live.

Sauf que j'ai fait partie du public de cette tournée, et comme beaucoup de monde, je me souviens avoir été bouleversé pour quelques minutes. Retourné, lessivé, et plus encore. Par un titre que je jugeais comme franchement mauvais jusqu'ici. Bah oui. Parce que dans une interprétation fabuleuse d'intensité, débarassée des intonations un rien grotesques de Freddie Mercury, et laissant s'exprimer toute la classe de Gail Ann Dorsey, "Under Pressure" se révèle être une chanson monumentale. Qui à elle seule excuse la platitude du reste.

Moralité : quand Bowie ouvre la bouche, ça vaut toujours le coup d'écouter. Et d'admirer son dentier.

mardi 19 janvier 2010

"Pretty in Black knows what to Do"

Playlist #1 : The Raveonettes

Il est temps d'enchanter vos tympans et d'emplir toutes sortes de lecteurs de musique nomades.

Une playlist, donc, consacrée à ma découverte de l'année défunte : les Raveonettes. Parce que ce brillant duo a digéré Phil Spector, les Jesus and Mary Chain, et à peu près toute la pop de ces soixante dernières années. Et s'ils écrivent du bon comme du moins bon, ils savent occuper l'espace sonore comme peu de gens, et balancent parfois de fabuleuses ritournelles trempées dans du glamour indie, puis posées sur du satin souillé dans les arrière-salles de tournages fauchés. Soit, dans l'ordre :

1 - Love in a Trashcan, album "Pretty in Black"
2 - Chains, album "Whip it On"
3 - Heartbreak Stroll, album "Chain Gang of Love"
4 - Twilight, album "Pretty in Black"
5 - Gone Forever, album "In and Out of Control"
6 - Heart of Stone, album "Pretty in Black"
7 - Lust, album "Lust, Lust, Lust"
8 - Sleepwalking, album "Pretty in Black"


Pour écouter, c'est par ici :

http://www.deezer.com/fr/#music/playlist/the-raveonettes-37207313

dimanche 10 janvier 2010

"Défoncez les Portes"

Salles Obscures #3 : "Les Chats Persans", Bahman Ghobadi

Pour commencer 2010 d'humeur joyeuse, parlons un peu de l'Iran. Où l'on essaie d'oublier le décompte des votes pour compter les morts. Où le radicalisme des discours officiels masque l'existence d'une opposition violemment muselée. Et puisque l'underground n'est pas supposé exister, certains risquent prison et coups de fouet en jouant de la musique païenne dans des caves ou des étables.

C'est de ces musiciens dont il est question dans "les Chats Persans". De leur art de la débrouille, de leur musique et de leurs rêves. Mais aussi d'une angoisse constante, nourrie par le spectre omniprésent des forces de police. Car le zèle de ces fonctionnaires grisés par leur toute puissance est de nature à contrarier les plans de tous les rêveurs en mal de perspectives chatoyantes.

Et si le film a une dimension tragique qui remue les tripes et fait mal au coeur, il envoie aussi des raisons d'espérer. Avant tout parce que les chansons présentées sont excellentes, et témoignent d'une sincérité bien éloignée des attitudes bidons de Benjamin B. et consorts (quand on prend autant de risques pour jouer de la musique, c'est que c'est une nécessité, un besoin primaire). Ensuite parce que quelqu'un qui a confiance en son talent cherchera toujours le moyen de se faire entendre, quelques soient les obstacles rencontrés.

Alors on se prend à croire, comme Jacques Attali, que la musique est annonciatrice des changements de société à venir. Et à espérer que les musiciens iraniens s'approprient le doux refrain de Marvin Gaye :

"Make me wanna holler, the way they do my life"